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lundi 26 avril 2010

Des guérébou* internationaux !

(Mendiants, en Bambara)

La mendicité est devenue un phénomène si récurent de nos jours au Sénégal, que les Talibés ne sont plus les seuls à pratiquer cette “profession“. Dakar est pris en otage par d’autres africains qui viennent des pays voisins comme le Mali. Ce sont même des familles entières qui se déplacent pour venir mendier.

A quelques mètres déjà, ils sont visibles par tous les passants qui empruntent le sentier qui se trouve à l’angle droit du bâtiment du CESTI. C’est la famille Sanogo, Fanta et ses deux enfants. En la voyant, on peut se faire idée de son âge : la trentaine. Pourtant c’est cela. Même si elle donne l’air d’être vieille, pour mieux paraître mélancolique devant les étudiants qui sont ses principaux “bienfaiteurs“, elle est relativement jeune.
Elle quitte sa maison depuis 6 heures du matin avec ses enfants pour accueillir les premiers jeunes qui ont cours à partir de 7 heures. Elle s’habille ainsi très souvent en boubou Wax ou Bazin (en tout cas un habit qui couvre tout son corps) bien délabré. Sur la tête, elle attache un foulard pour couvrir ses cheveux. Celui-là est couvert par un deuxième qui, cette fois-ci passe de la tête, en couvrant les oreilles, pour faire un nœud sous son menton. Sur le visage de Fanta, un air de bonne foi, tel celui d’un prêtre lors des séances de prêche. Elle s’assied alors, les pieds nus, sur un morceau de sac en plastique à même le sol, avec sa fille d’à peu près un an couchée à côté d’elle, pendant que son fils, Papa (comme elle le nomme) de 4 ans joue non loin. Papa est vêtu presque tout le temps d’une culotte en kaki et chemise en tissu Jeans. Tout son corps est recouvert d’une tâche blanchâtre qui s’amplifie au niveau des pieds, très souvent sans chaussures et sales. C’est comme si sa peau n’avait jamais été nourrie de crème et a été saupoudrée de blanc. Ses narines sont habituellement inondées de morve à chaque fois qu’il vient remplir un bidon d’eau au CESTI.
Quant à sa petite sœur, on ne voit jamais son visage. Fanta couvre toujours la petite Mariam de la tête aux pieds. On ne la voit pas jouer non plus, elle est en permanence entrain de dormir. Sa mère dit que c’est « parce qu’elle passe toute la nuit à pleurer ou à jouer qu’elle dort ainsi pendant la journée. »
Fanta passe toute la matinée à cet emplacement, jusqu’à midi où elle part manger avec ses compatriotes mendiants. Ils sont ravitaillés en petit déjeuner, déjeuner et dîner par les restaurants du campus de l’Université Cheikh Anta Diop. Ces derniers leur donnent les restants des plats des étudiants. Ce qui fait d’ailleurs l’affaire de ces pauvres maliens qui n’auront plus à débourser tout ce qu’ils ramassent par jour pour payer leur loyer. « Nous avons pris à Yarakh une cour commune entre mendiants, et chaque famille paie sa chambre à 15 000 FCFA. Nous utilisons également une toilette commune» confie Fanta. Cependant ce ne sont pas que les femmes qui constituent ces foyers, il y a bien sûr des hommes. Et celui de Fanta est un handicapé physique. D’ailleurs, chaque jour vers 10 heures « il passe en chaise roulante voir si nous n’avons pas de problème ou si nous n’avons pas besoin de quoi que ce soit. » ajoute la bonne dame.
Dans l’après midi, Fanta quitte l’université pour l’Avenue Cheikh Anta Diop. Elle part s’installer en pleine route avec ses deux mômes, en face de restaurant “GALITO’S“, juste au virage de la route qui quitte le Point E pour passer devant l’Ecole Normale. A cette heure de la journée, sa cible c’est les “bourgeois“ qui viennent se chercher des goûter dans ce restaurant glacier. Par jour, « je peux avoir jusqu’à 15 000 FCFA. Mais il y a des jours où j’ai à peine 500 FCFA » dit Fanta.
Avant de venir au Sénégal par train, Fanta et sa petite famille étaient dans un village du plus fin fond de la troisième région du Mali, Ségou. Elle était une femme au foyer malgré que son mari ne travaille pas. Ils étaient alors entretenus par les frères cultivateurs de son mari qui, à la longue, se sont fatigués de cette demande incessante. C’est ainsi qu’ils ont appris, par le biais d’un commerçant, qu’il y a des maliens qui viennent mendier à Dakar, le Paris africain. Ils sont donc venus tenter leur chance, et ne sont pas prêts de rentrer au bercail de si tôt.

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