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lundi 26 avril 2010

Des guérébou* internationaux !

(Mendiants, en Bambara)

La mendicité est devenue un phénomène si récurent de nos jours au Sénégal, que les Talibés ne sont plus les seuls à pratiquer cette “profession“. Dakar est pris en otage par d’autres africains qui viennent des pays voisins comme le Mali. Ce sont même des familles entières qui se déplacent pour venir mendier.

A quelques mètres déjà, ils sont visibles par tous les passants qui empruntent le sentier qui se trouve à l’angle droit du bâtiment du CESTI. C’est la famille Sanogo, Fanta et ses deux enfants. En la voyant, on peut se faire idée de son âge : la trentaine. Pourtant c’est cela. Même si elle donne l’air d’être vieille, pour mieux paraître mélancolique devant les étudiants qui sont ses principaux “bienfaiteurs“, elle est relativement jeune.
Elle quitte sa maison depuis 6 heures du matin avec ses enfants pour accueillir les premiers jeunes qui ont cours à partir de 7 heures. Elle s’habille ainsi très souvent en boubou Wax ou Bazin (en tout cas un habit qui couvre tout son corps) bien délabré. Sur la tête, elle attache un foulard pour couvrir ses cheveux. Celui-là est couvert par un deuxième qui, cette fois-ci passe de la tête, en couvrant les oreilles, pour faire un nœud sous son menton. Sur le visage de Fanta, un air de bonne foi, tel celui d’un prêtre lors des séances de prêche. Elle s’assied alors, les pieds nus, sur un morceau de sac en plastique à même le sol, avec sa fille d’à peu près un an couchée à côté d’elle, pendant que son fils, Papa (comme elle le nomme) de 4 ans joue non loin. Papa est vêtu presque tout le temps d’une culotte en kaki et chemise en tissu Jeans. Tout son corps est recouvert d’une tâche blanchâtre qui s’amplifie au niveau des pieds, très souvent sans chaussures et sales. C’est comme si sa peau n’avait jamais été nourrie de crème et a été saupoudrée de blanc. Ses narines sont habituellement inondées de morve à chaque fois qu’il vient remplir un bidon d’eau au CESTI.
Quant à sa petite sœur, on ne voit jamais son visage. Fanta couvre toujours la petite Mariam de la tête aux pieds. On ne la voit pas jouer non plus, elle est en permanence entrain de dormir. Sa mère dit que c’est « parce qu’elle passe toute la nuit à pleurer ou à jouer qu’elle dort ainsi pendant la journée. »
Fanta passe toute la matinée à cet emplacement, jusqu’à midi où elle part manger avec ses compatriotes mendiants. Ils sont ravitaillés en petit déjeuner, déjeuner et dîner par les restaurants du campus de l’Université Cheikh Anta Diop. Ces derniers leur donnent les restants des plats des étudiants. Ce qui fait d’ailleurs l’affaire de ces pauvres maliens qui n’auront plus à débourser tout ce qu’ils ramassent par jour pour payer leur loyer. « Nous avons pris à Yarakh une cour commune entre mendiants, et chaque famille paie sa chambre à 15 000 FCFA. Nous utilisons également une toilette commune» confie Fanta. Cependant ce ne sont pas que les femmes qui constituent ces foyers, il y a bien sûr des hommes. Et celui de Fanta est un handicapé physique. D’ailleurs, chaque jour vers 10 heures « il passe en chaise roulante voir si nous n’avons pas de problème ou si nous n’avons pas besoin de quoi que ce soit. » ajoute la bonne dame.
Dans l’après midi, Fanta quitte l’université pour l’Avenue Cheikh Anta Diop. Elle part s’installer en pleine route avec ses deux mômes, en face de restaurant “GALITO’S“, juste au virage de la route qui quitte le Point E pour passer devant l’Ecole Normale. A cette heure de la journée, sa cible c’est les “bourgeois“ qui viennent se chercher des goûter dans ce restaurant glacier. Par jour, « je peux avoir jusqu’à 15 000 FCFA. Mais il y a des jours où j’ai à peine 500 FCFA » dit Fanta.
Avant de venir au Sénégal par train, Fanta et sa petite famille étaient dans un village du plus fin fond de la troisième région du Mali, Ségou. Elle était une femme au foyer malgré que son mari ne travaille pas. Ils étaient alors entretenus par les frères cultivateurs de son mari qui, à la longue, se sont fatigués de cette demande incessante. C’est ainsi qu’ils ont appris, par le biais d’un commerçant, qu’il y a des maliens qui viennent mendier à Dakar, le Paris africain. Ils sont donc venus tenter leur chance, et ne sont pas prêts de rentrer au bercail de si tôt.

Boubacar Arou Samba DICKO, deuxième conseiller de Mme Ba Awa KEITA ambassadeur du Mali.

Selon vous, qu’est ce qu’être un diplomate ?

Un diplomate est une personne qui sait défendre les intérêts de son pays et qui veille sur ses ressortissants. Un diplomate doit également travailler pour le développement de la coopération entre son pays d’origine et son pays hôte.

Quel a été votre cursus diplomatique ?

J’ai été recruté en qualité de conseiller des affaires étrangères en 2000. Après le Ministère des Affaires Etrangères de Bamako, je suis ici à mon premier poste hors du Mali depuis janvier 2008.

Que savez-vous de l’histoire des relations diplomatiques entre le Mali et le Sénégal ?

Les relations diplomatiques entre ces deux pays datent de 1963. Malheureusement je ne pourrai vous en dire plus parce que depuis notre déménagement des locaux de la Cathédrale (en ville) nous avons perdu toutes nos archives que nous essayons reconstituer jusqu’à présent. Mais je peux vous assurer que le Sénégal et le Mali ont toujours entretenus de très bonnes relations diplomatiques.

Quel est le rôle de votre institution?

Notre ambassade a pour rôle de développer les relations de coopération entre le Sénégal et le Mali et de protéger les nationaux maliens. La tâche nous est un peu facile sur ce plan parce que les maliens n’ont pas tellement de problèmes ici au Sénégal. Par contre l’ambassade fait face à toute sorte de sollicitation.

Quels genres de sollicitations par exemple ?

Comme exemple, je peux citer le cas des immigrés clandestins qui tentent d’entrer en Europe. Pour les rapatrier, on les fait passer par ici puisque c’est cette ambassade qui couvre le Sénégal, la Gambie, la Guinée Bissau, et le Cap Vert. Et l’ambassade a pour devoir de les ramener au bercail et ceci aux frais de l’Etat malien.

A part les questions diplomatiques, l’ambassade traite-t-elle d’autres problèmes ?

Nous faisons face à tous les problèmes auxquels sont confrontés les ressortissants maliens. Quand ils nous sollicitent, nous devons obligatoirement les assister. Nous traitons aussi des questions consulaires. Par exemple s’il y a de nos ressortissants qui sont à l’intérieur du Sénégal, ou dans l’un des 4 pays que nous couvrons, qui ont des problèmes de déplacement pour venir récupérer ou produire leurs cartes consulaires, l’ambassade fait déplacer un fonctionnaire pour aller leur remettre leurs pièces d’identité. Peu importe la distance à parcourir, l’essentiel c’est de satisfaire les besoins des compatriotes.
S’il y en a aussi qui ont des problèmes à la justice, nous sommes tenus de les suivre et de les orienter jusqu’à la fin de l’affaire, à défaut de trouver des solutions à leurs problèmes. Idem pour ceux qui sont malades et qui n’ont pas assez de moyens financiers pour se soigner. Bref, nous soutenons nos compatriotes dans les limites de nos moyens.

Si un problème dépasse votre domaine de compétence, que faites-vous ?

Nous rendons compte à notre hiérarchie qui est le Ministère des Affaires Etrangères à Bamako. En matière de justice par exemple, si nous ne pouvons pas intervenir, nous nous contentons de suivre l’affaire tout en faisant confiance en la loi du pays intéressé. Nous suivons pour que nos compatriotes soient dans leurs droits. Mais nous ne nous immisçons pas parce qu’il ne faut pas oublier que les ressortissants maliens ne peuvent pas et ne doivent pas déroger à la règle.

En cas de malentendu entre un citoyen malien et un citoyen sénégalais ou un autre citoyen d’un de vos 4 pays hôtes, est-ce que vous intervenez ?

Généralement les malentendus ne se posent pas entre un malien et un sénégalais en tant que deux personnes de nationalités différentes. Ceux sont plutôt des petites querelles entre êtres humains. Le malien ne se sent pas comme malien ici au Sénégal, il se sent chez lui. Je peux tout de même vous assurer que depuis que je suis ici, l’ambassade n’a jamais eu à intervenir entre un malien et un sénégalais du fait de leurs différentes nationalités. Ce sont des problèmes de la vie quotidienne qui les opposent. Mais ces problèmes sont toujours résolus à l’amiable comme dans la société traditionnelle.

Avez-vous rencontré des difficultés personnelles dans votre carrière ?

Des difficultés ? (rires) vous savez la gestion des hommes n’est pas une tâche aisée. Mis à part les multiples requêtes des compatriotes, qui demandent souvent des services un peu difficiles à satisfaire, ou même non satisfaisables, je n’ai pas rencontré de majeures difficultés. En tout cas pas que je m’en souvienne.

Que pensez-vous du projet de création des Etats Unis d’Afrique ?

C’est une très bonne initiative mais ce n’est pas une question qui date d’aujourd’hui. Depuis bien longtemps, des leaders africains comme Kouamé KOUROUMA, Modibo KEITA ont prôné la réalisation de l’unité africaine. Je ne dirai pas que c’est un idéal, mais c’est une nécessité. Il faudrait que les africains s’y mettent dès maintenant. Et je vous rappelle que le Mali, dans toutes ses constitutions, a prévu une disposition qui certifie qu’il est prêt à céder une partie de son territoire pour la réalisation des Etats Unis d’Afrique. Je crois d’ailleurs qu’il n’y a pas d’autre alternative pour l’Afrique que la création de cette nation. Face aux grandes puissances comme les Etats Unis, la Chine, l’Union Européenne et tant d’autres, l’Afrique n’a comme choix que d’aller vers une unification. Aucun pays africain, seul, ne pourra faire face aux grandes puissances. Or nous sommes dans un monde impitoyable. Seul le regroupement pourra nous sauver parce que ces grandes puissances n’hésiteront pas à nous écraser pour leurs intérêts. Même les pays dits émergents n’ont pas pu se passer de l’union, alors ce n’est pas l’Afrique qui le pourra.

Une fois ce projet réalisé, pensez-vous que les ambassades auront leur raison d’être ?

Les ambassades ont pour rôle de développer les relations de bon voisinage et de coopération ainsi que la sécurité de leurs ressortissants. Mais si toutefois les pays africains arrivent à avoir les mêmes intérêts, je crois que les ambassades n’auront plus à faire grand-chose. Par ailleurs, la diplomatie survivra parce qu’elle ne se limite pas qu’aux ambassades. Elle est également économique, parlementaire, sécuritaire, et transversale. (SIC) Les diplomates pourront ainsi relier l’Afrique à d’autres continents. Mais en dépit de l’unité de l’Afrique, nous ne pourrons pas nous passer de la diplomatie.

Avez-vous des privilèges grâce à votre titre de diplomate ?

En dehors de la convention de Viennes nous n’avons pas de privilèges particuliers. Cette convention porte essentiellement sur des immunités de juridiction et une exonération sur les droits de douane.

Regrettez-vous votre choix d’être diplomate ?

(Un peu égaré avant de répondre) Je ne regrette aucunement mon choix. C’est un travail très émouvant, exaltant et surtout fascinant. Il n’est pas donné à tout le monde la chance de représenter sa patrie et de défendre les intérêts de ses compatriotes. Je n’ai pas choisi d’être diplomate mais je suis très heureux d’avoir embrassé ce métier.

Les jeunes maliens de Dakar font du ménage !

Mohamed Lamine FOFANA et treize autres jeunes maliens constituent désormais la nouvelle association de leur importante communauté au Sénégal. Ils ont pour tâche de diriger l’AEESMS mais aussi d’assister leurs compatriotes mutuellement, socialement, financièrement des fois avec l’aide de leurs partenaires et de l’ambassade malienne, mais également sur le plan pédagogique : les plus anciens donnent gratuitement des cours de rattrapage aux nouveaux venus.

Le renouvellement du bureau de l’Association des Elèves, Etudiants et Stagiaires Maliens au Sénégal (AEESMS) s’est tenu à l’Ecole Normale d’Economie Appliquée (ENEA), sur la route de Ouakam en face du garage des bus Dakar Dem dik, dimanche 24 Janvier 2010. Les intéressés étaient priés de se présenter sur les lieux à 15h. Malgré cette précision, il y avait d’éternels retardataires comme à chaque rencontre à savoir le président sortant lui-même Souleymane DIARRA.
Une fois avoir dépassé le portail de l’établissement, il fallait se diriger vers le premier bâtiment à gauche. Celui-ci présentait une mini-terrasse qui avait à son extrémité droite un long et pénible couloir à trotter pour ensuite virer à gauche pour accéder à la première salle à gauche, où se trouvaient des patriotes ponctuels. Telle dans une église, l’assemblée était disposée des deux côtés d’une étroite allée, qui par fini sera bondée de chaises. L’assistance faisait alors face à une longue table qui avait derrière elle trois chaises. La salle aura une sensation de mélange de divers parfums une atmosphère chaleureuse et bruyante à l’arrivée des membres du bureau sortant vers 16H. C’est à peine s’il y a un petit espace pour passer, la salle était débordante de personnes. Après un instant de concertation, ils se décidèrent enfin de procéder à l’ouverture de la séance. Le président Souleymane DIARRA fit ainsi 22 minutes de discourt durant lesquelles il faisait le bilan des activités durant son mandat ainsi que ses projets inachevés qu’il aimerait que la nouvelle équipe prenne en considération. Ceci fit suivi des différentes déclarations des candidats : Mohamed Lamine FOFANA qui fait un Master contentieux des affaires; Mahamane COULIBALY un Master en droits de l’homme; et Sadio DEMBELE en Licence de droit notarial. Etant le plus éloquent de ses adversaires, Mr FOFANA est un homme de moyenne, environ 1m 63, avec un corps visiblement musclé. Il est de teint noir, avec une expression plutôt grave du le visage à cause de la forme tombante de ses paupières sur de gros yeux bien clair. Habillé d’un boubou traditionnel malien, il tenait un discourt limpide et simple avec une voix séduisante accompagnée d’une nette diction. Mohamed Lamine FOFANA attirait ainsi l’attention de toute l’assistance. Son intervention terminée à la grande satisfaction de tous se fera accompagner d’une grande acclamation. Quant à Mr COULIBALY, il est également de taille moyenne, teint noir et légèrement frêle. Il portait une chemise blanche avec de petites rayures bleues et un pantalon noir. Il était également cravaté et portait des lunettes corrigées. Malgré l’air de grande assurance qu’il affichait, son discourt était dominé par un trac qu’il n’arrivait pas à maîtriser. Il s’exprimait dans une diction saccadée avec un débit assez rapide. Mr DEMBELE pour sa part était complètement égaré à la vue de l’attentif public qui lui faisait face. De teint clair, taille élancée et pas trop mince, il était habillé presque de la même manière que le précédent candidat, à la seule différence qu’il ne portait pas de cravate. Il apparaissait comme un grand timide à en entendre sa basse voix comme s’il avait peur de se faire entendre. Et par fini, il a perdu le fil de son papier qu’il regardait par moment pour se rappeler les différents points à énumérer. Ce qui lui a coûté des bourdonnements dans un public qui ne l’écoutait plus.
Après ces différentes prestations, l’assemblée fut animée d’un boucan pour trouver une technique de vote. Membres de la commission de vote et autres maliens ont finalement décidé de voter par appel à partir d’une liste de présence qui avait été établie. A la suite de cette ennuyante procédure, suivie d’une pédante décompte des voix, Mohamed Lamine FOFANA a été au poste de président de l’AEESMS.

Un président timide mais éloquent !

Mohamed Lamine FOFANA, le président de l’Association des Elèves, Etudiants et Stagiaires Maliens au Sénégal (AEESMS), se présente aux environs de 10h GMT dans une rue de la Gueule Tapée. Il est habillé d’un costume de couleur grise sur une chemise blanche. Sur sa moto JAKARTA*, il a l’air très pressé de se rendre à un rendez-vous qu’il ne doit manquer sous aucun prétexte.
(Moto chinoise très convoitée par les maliens)*

De nature discrète, comme il le pense, Mohamed Lamine est connu de tous grâce à sa gentillesse et sa richesse intellectuelle. Il suffit juste de prononcer son nom pour que les compliments pleuvent de partout. Avec un corps visiblement musclé sous une peau noire d’ébène, il fait 1m 72 pour 82kg. Communément appelé FOF par ses amis, ce jeune homme de 25 ans laisse toujours apparaître un visage serein et souriant comme s’il ne lui arrivait jamais de se fâcher. Par moment, ses grands yeux noirs d’une blancheur de fond remarquable sous des paupières tombantes, et sa manière d’étirer son visage en faisant trois grands plis avec la peau de son front, lui confèrent un air innocent. Sain d’esprit comme dans son corps selon des témoignages, Mohamed Lamine est d’une sagesse considérable malgré son jeune âge. D’ailleurs, cette maturité se fait ressentir dans son habillement : il est toujours vêtu soit en pantalon-chemise, soit en tenue traditionnelle africaine, et quelques rares fois en ensemble de veste. Bref il a toujours une présentation vestimentaire simple mais respectueusement harmonisée. Un autre signe de responsabilité ici en Afrique, c’est le mariage. FOF est depuis 2008, l’époux de Safiatou BATHILY, une étudiante malienne en Maîtrise des Droits des affaires à l’UCAD. De son comportement timide avec les personnes inconnues, il est également réputé être une personne très sociable. Il n’a donc pas une spécificité en matière d’amitié. Il est ouvert à tout le monde et a des amis (es) de toutes les tranches d’âge. Néanmoins « j’aime bien les vieilles personnes » dit-il.
D’ethnie kassonké, originaire de l’Ouest du Mali, il a eu la chance de séjourner dans beaucoup de régions maliennes. A l’âge de 5 ans, il quitte Bamako pour Koutiala, une ville de la quatrième région du Mali (Sikasso), de 1989 à 1991. Il y réside alors avec sa famille compte tenu de la profession de douanier de son père Yacouba FOFANA. En 1992, ils sont à Sélingué, toujours dans la même région. Ensuite la famille FOFANA part en 1993 pour la ville de Bougouni cette fois-ci, encore la quatrième région. De 1994 à 1996 la famille revient à Bamako où le petit FOF fréquente l’Ecole primaire de la Cathédrale, un établissement catholique. Ainsi il pouvait débuter une année scolaire dans une école et la terminer dans une autre. Et depuis cette date, le ménage FOFANA continue avec son nomadisme obligé vers d’autres villes jusqu’à finalement revenir à Bamako, où elle se trouve présentement.
Ces multiples déplacements n’ont pourtant pas joué sur la vie estudiantine de Mohamed Lamine. En 2004, il parvient à décrocher son diplôme du Baccalauréat au Prytanée Militaire de Kati (Mali) avec une mention BIEN, ce qui lui a valu une bourse nationale pour le Maroc. Il revient de ce long séjour de trois ans en 2007 avec une Licence en Droits des Affaires. Avec l’universalisation du système LMD, il décide alors de venir faire un Master contentieux des affaires à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar la même année. C’est ainsi qu’il réside à présent à la rue Aimé CESAIRE à FANN Résidence N° 6478 avec sa femme et son jeune frère.
D’une clarté et d’une concision attrayante dans ses discours prononcés dans un débit bien équilibré, il s’exprime très souvent dans un langage soutenu accompagnée d’une attractive et basse voix. Cependant, il a le réflexe de lécher en permanence ses lèvres inférieures qui ont, par fini, pris une couleur rose. Le mot « bien » est son mot-fétiche. Il l’emploi à tout bout de champ. Et comme plus grand défaut, FOF est très mauvais gestionnaire de son temps et de son argent.
Par ailleurs, sa plus grande joie a été la découverte de son attachement au Dieu tout puissant à l’âge de 15 ans, à travers sa piété involontaire en Islam. Et même s’il ne se fâche que rarement, il lui arrive de pleurer à chaque fois qu’il voit une personne fournir des efforts physiques et financiers rien que pour le triomphe du mal. Toutefois, FOFANA a une conception différente de la vie et de l’avenir comparée à celle du commun du mortel. Il dit que « la vie, ce n’est que de l’espoir tant qu’on est ici-bas, et l’avenir commence après la mort. Les gens se trompent sur la définition de l’avenir. » Il déclare ne pas du tout aimer le pouvoir lorsqu’il s’exprime ainsi : « le pouvoir corrompt ». Malgré tout il s’est présenté à la présidence de l’association des jeunes maliens, par crainte que l’association ne tombe dans les mains d’une personne qui ne s’y connait pas. Cette nouvelle décision, parce qu’il n’y avait aucun membre du bureau sortant comme candidat, et qu’il est assez expérimenté puisqu’il a fait trois ans au sein de ladite association. Ainsi élu à l’unanimité lors des élections qui se sont déroulées le 24 janvier dernier dans une salle de l’Ecole Nationale d’Economie Appliquée (ENEA), FOF prévoit des activités pédagogiques, sociales et culturelles pour l’association ici au Sénégal, mais aussi au Mali durant les vacances.

Awa DIOUF

La petite ménagère de la famille GNING.

Elle est la première à se réveiller et quelques fois, la dernière à se coucher. Son quotidien est une besogne continue que même une femme de 25 ans aurait du mal à supporter. Cette adolescente est la seule personne à adosser tous les travaux ménagers d’une famille de 11 personnes.

A peine 6 heures du matin, un écho de coups de balais remplace le chant du coq dans ce foyer. Awa s’affaire à assainir la devanture de la concession. Dans la cours cimentée, des bouts de mouchoirs à usages uniques, des sachets en plastique, des grains de sable transportés du dehors par les chaussures, des morceaux de pains et d’os provenant du diner de la nuit précédente. Bref, un vrai fatras. La jeune fille de 15 ans doit se dépêcher de déblayer ce grand espace avant le réveil de ses occupants habituels.
Coiffée de nattes dont on arrive à peine à différencier les lignes, tant elles sont sales et vieilles, Awa est habillée d’un petit T-shirt de couleur rose ternie et d’une culotte Jeans bleue délavée. « C’est ainsi que je suis vêtue chaque matin puisque je n’ai pas assez d’habits et que je ne peux pas utiliser le peu que j’ai pour travailler » dit la fillette avec un air mélancolique. Elle se munit alors d’un autre balai un peu plus fin que celui qu’elle a utilisé pour l’extérieur de la maison. Dos courbé, tête et narines exposées à la poussière, elle fait des va-et-vient harmonieux de gauche à droite, depuis le fond de la cour jusqu’au portail. Elle ne laisse aucune trace de saleté, même pas un grain de sable. Ensuite vient le tour des toilettes. Awa s’équipe de deux seaux d’eau, un balais, un chiffon et une serpillière. Dans le premier seau, elle a mélangé un liquide détergent “Madar“ à de l’eau de javel “Ariel“ et de l’eau simple. Cette solution lui sert à frotter les parois des deux toilettes. L’eau simple contenue dans le deuxième seau sert au rinçage, après quoi, Awa essuie, successivement avec le chiffon et la serpillière, les murs qui brillent aux grands éclats tant ils ont été bien nettoyés. Tout au long de ce labeur, la petite ménagère ne porte ni gans ni autres moyens de protection contre les infections microbiennes auxquelles elle est passible.
Enfin se réveille un premier membre de la famille, c’est la première fille de la patronne de petite bonne. C’est Fifi, elle appelle Awa pour qu’elle aille chercher du pain. Il est 7 heures passées de 38 minutes. A son retour, Awa chauffe de l’eau pour le bain de Fifi, pendant que cette dernière prend son petit déjeuner. Et c’est ainsi pour tous les membres de la famille.
Vers 10 heures, Awa part faire le marché juste à moins de 100 mètres de son lieu de travail. C’est le marché de la Gueule Tapée. Après l’achat des condiments du repas de midi, elle vient cuisiner tout en se faisant superviser par l’une des ses petites patronnes (les filles de sa patronne). Après le déjeuner, elle fait la vaisselle et apporte le reste de leur plat à sa mère qui est pileuse à la Médina. « Si je ne lui apporte pas à manger, elle sera obligée de payer pour elle et mes quatre petites sœurs qui l’aident souvent à piler » confie Awa. Elle se dépêche de revenir dans la famille GNING pour avoir une heure de pause, de 15 heures à 16 heures.
L’après midi est aussi chargé que le matin. Après la prière de 16 heures, elle nettoie une deuxième fois la cour et prépare le dîner. Comme à l’accoutumée, après chaque repas elle fait la vaisselle. Après ces deux grands travaux et les petites commissions qui y sont entremêlées, elle se douche vers 21 heures et va directement au lit.
Pendant que celles qui font le même travail qu’elle gagnent entre 40 000 et 50 000 FCFA, Awa, à cause de son jeune âge, ne gagne que 25 000 FCFA par mois. « Je me contente de ce salaire en attendant de grandir et imposer le mien » murmure la petite. Son salaire est alors un autre petit moyen de survie pour sa famille, en plus du peu que gagne sa mère, et celui de son père qui fait de l’agriculture dans leur village natal.
Contrairement à beaucoup d’adolescents de son âge, Awa ne veut pas aller à l’école. Elle veut devenir une grande commerçante. « On peut bel et bien devenir riche sans pour autant avoir été à l’école. Avant que l’école n’apparaisse, n’y avait-il pas de riches ? » m’interroge-t-elle.
En attendant de grandir, elle va économiser autant qu’elle peut pour avoir un fonds de commerce.